Le démembrement de propriété s’impose aujourd’hui comme l’un des outils les plus puissants de la gestion patrimoniale française. En séparant l’usufruit de la nue-propriété, ce mécanisme juridique permet d’optimiser simultanément la transmission familiale, la fiscalité et la constitution d’un capital à long terme. Que ce soit pour anticiper une succession, réduire son impôt sur la fortune immobilière ou investir avec une décote allant jusqu’à 40%, le démembrement offre des perspectives stratégiques adaptées à chaque étape de la vie patrimoniale.
Comprendre le mécanisme du démembrement de propriété
Le démembrement de propriété repose sur un principe simple mais efficace : séparer les attributs de la propriété entre deux titulaires distincts. D’un côté, l’usus (droit d’utiliser le bien) et le fructus (droit d’en percevoir les fruits) pour l’usufruitier, de l’autre côté l’abusus (droit de disposer du bien) pour le nu-propriétaire. Les droits démembrés sont indépendants l’un de l’autre, mais ni l’usufruitier, ni le nu-propriétaire ne peuvent procéder seuls à la vente du bien démembré : l’accord des deux est obligatoire pour céder la pleine propriété du bien.
Le démembrement prend fin au décès de l’usufruitier dans le cas d’un démembrement viager, ou à l’échéance prévue dans le cas d’un démembrement temporaire. À ce moment, le nu-propriétaire devient l’unique propriétaire du bien sans droits de succession à payer. Il peut alors l’occuper, le louer ou encore le vendre. On dit alors qu’il y a remembrement de la propriété, cette reconstitution automatique constituant l’un des atouts majeurs du dispositif.
Le démembrement peut porter sur différents types d’actifs. Il est possible de pratiquer le démembrement sur un bien immobilier, mais aussi sur un compte titres ou un contrat d’assurance vie. En revanche, un plan d’épargne en actions, un livret d’épargne ou encore un plan d’épargne logement ne peuvent pas être démembrés.
Le barème fiscal du démembrement : comprendre la répartition de valeur
La valorisation respective de l’usufruit et de la nue-propriété repose sur un barème fiscal officiel établi par l’article 669 du Code général des impôts. Ce barème, inchangé en 2025, détermine la répartition de valeur en fonction de l’âge de l’usufruitier au moment du démembrement.
Plus l’usufruitier est jeune, plus la valeur de l’usufruit est élevée et celle de la nue-propriété faible. Ainsi, pour un usufruitier de moins de 21 ans, l’usufruit représente 90% de la valeur du bien tandis que la nue-propriété ne vaut que 10%. À l’inverse, pour un usufruitier de plus de 91 ans, l’usufruit ne représente que 10% de la valeur et la nue-propriété grimpe à 90%.
Les tranches intermédiaires suivent une progression régulière : 80% d’usufruit et 20% de nue-propriété pour les moins de 31 ans, 70% et 30% pour les moins de 41 ans, 60% et 40% pour les moins de 51 ans, 50% et 50% pour les moins de 61 ans, 40% et 60% pour les moins de 71 ans, 30% et 70% pour les moins de 81 ans, et 20% et 80% pour les moins de 91 ans.
Pour un démembrement temporaire avec une durée fixe prédéterminée, la valorisation ne dépend pas de l’âge mais de la durée. Le barème applique un taux de 23% pour chaque période de 10 ans. Ainsi, pour un démembrement de 15 ans, l’usufruit vaudra 46% de la valeur du bien (deux fois 23%) et la nue-propriété 54%.
La donation avec réserve d’usufruit : transmettre sans se démunir
La donation avec réserve d’usufruit constitue la forme la plus répandue du démembrement patrimonial. Elle permet à des parents d’anticiper la transmission de leur patrimoine à leurs enfants, sans se démunir totalement et à un moindre coût fiscal. Le parent donateur ne transmet que la nue-propriété d’un bien tout en conservant l’usufruit, c’est-à-dire l’usage du bien et les revenus qu’il génère.
Une transmission maîtrisée qui préserve les revenus du donateur
Le donateur conservant l’usufruit du bien transmis, il conserve en réalité la possibilité de l’utiliser pour son usage personnel, mais aussi d’en tirer des revenus. Si la donation porte sur un bien immobilier, le donateur peut le mettre en location afin de percevoir des loyers. Si elle porte sur un placement financier, il peut continuer de percevoir les intérêts qu’il produit. Malgré la donation faite à leurs enfants, les parents gardent la mainmise sur leur patrimoine et une source potentielle de revenus.
L’enfant donataire est nu-propriétaire du bien transmis et détient donc un droit de propriété virtuel jusqu’au décès du donateur. Il ne devient pleinement propriétaire du bien qu’à cette date, sans avoir à payer de droits supplémentaires. Cette reconstitution automatique de la pleine propriété au décès de l’usufruitier constitue un avantage fiscal majeur du dispositif.
Une optimisation fiscale considérable selon l’âge du donateur
La donation avec réserve d’usufruit permet de réduire considérablement les droits de mutation dus par le donataire. En effet, la nue-propriété correspond à une fraction de la valeur de la pleine propriété, déterminée par le barème fiscal selon l’âge de l’usufruitier.
Prenons l’exemple concret d’une donation d’un appartement de 200 000 euros faite par un père de 79 ans à son fils. La valeur de la nue-propriété représente 70% de 200 000 euros, soit 140 000 euros, somme qui représente l’assiette taxable sur laquelle l’impôt sera calculé. L’économie fiscale atteint donc 60 000 euros sur la base de calcul des droits de donation.
Plus le donateur est jeune au moment de la donation, plus l’économie fiscale est importante car la valeur de la nue-propriété sera faible. Il est donc recommandé de réaliser une donation en nue-propriété le plus tôt possible pour limiter les frais de donation. Un parent de 55 ans qui donne la nue-propriété d’un bien ne transmet fiscalement que 50% de sa valeur, tandis qu’un parent de 75 ans en transmet 70%.
Au décès du donateur, l’usufruit s’éteint au profit du donataire qui devient alors plein propriétaire, sans taxation ni formalité à effectuer. Cette reconstitution automatique représente un avantage successoral considérable, permettant de transmettre un patrimoine important tout en optimisant les droits à payer.
L’investissement en nue-propriété : acquérir avec une décote de 30% à 40%
Au-delà de la transmission familiale, le démembrement constitue également une stratégie d’investissement particulièrement performante. L’achat en nue-propriété permet de bénéficier d’une décote de prix importante, souvent comprise entre 30% et 40% de la valeur de la pleine propriété. Cette réduction s’applique dès la souscription, car vous ne payez que la propriété nue, sans usufruit.
Le mécanisme de l’investissement en nue-propriété immobilière
La nue-propriété repose sur le principe du démembrement temporaire de propriété, qui sépare l’usufruit, cédé temporairement à un bailleur institutionnel qui perçoit les loyers et assume la gestion du bien, et la nue-propriété, détenue par l’investisseur, qui récupérera automatiquement la pleine propriété du bien à l’issue de la période de démembrement, généralement de 10 à 20 ans.
L’absence de loyers perçus durant cette période permet d’éviter toute fiscalité foncière, ce qui constitue un atout majeur pour les investisseurs soumis à une forte imposition. Pendant toute la durée du démembrement, l’investisseur ne perçoit aucun revenu et n’a donc aucun impôt à payer sur des revenus fonciers. Les charges et les obligations liées à l’usage du bien sont assumées par l’usufruitier.
À l’issue de la période de démembrement, la reconstitution de la pleine propriété s’opère automatiquement, sans frais ni formalités. Si la valeur du bien s’est appréciée entre-temps, l’investisseur réalise une plus-value sans avoir versé un seul euro d’impôt pendant toute la durée de détention. Aucune plus-value n’est taxée sur la récupération de l’usufruit.
Simulation chiffrée d’un investissement en nue-propriété
Prenons l’exemple concret d’un investisseur disposant de 250 000 euros qui souhaite investir dans un bien immobilier sans gestion locative ni revenus fonciers imposables. Il investit 250 000 euros dans un bien dont la pleine propriété vaut 350 000 euros. La décote de prix appliquée s’élève à 28%, car l’usufruit est confié à un bailleur institutionnel pendant une durée de 15 ans.
Pendant cette période de démembrement, l’investisseur ne perçoit aucun revenu et aucune imposition ne s’applique. À l’issue des 15 ans, il récupère gratuitement la pleine propriété. Si la valeur du bien passe à 420 000 euros, son capital s’est apprécié de 170 000 euros sans avoir versé un seul euro d’impôt. Cette stratégie permet d’anticiper l’avenir, de réduire l’exposition aux impôts et de sécuriser un investissement immobilier sur le long terme.
En comparaison, un investisseur qui achèterait en pleine propriété encaisserait des revenus locatifs, mais supporterait les impôts fonciers, les charges et la gestion locative. Chaque euro gagné serait partiellement absorbé par la fiscalité. L’investissement en nue-propriété maximise la valeur nette du capital sans subir les aléas de la location.
Les SCPI en démembrement : combiner pierre-papier et optimisation fiscale
Le démembrement s’applique également aux parts de sociétés civiles de placement immobilier, offrant une alternative accessible et liquide à l’investissement immobilier en nue-propriété. Les SCPI en démembrement permettent de bénéficier des mêmes avantages fiscaux que l’immobilier direct, avec une gestion totalement déléguée et des tickets d’entrée plus abordables.
Deux profils d’investisseurs pour un même actif
Le principal avantage du démembrement de SCPI est qu’il permet à deux profils d’investisseurs très différents d’atteindre des objectifs complémentaires avec un même actif. Côté nu-propriétaire, l’intérêt est avant tout patrimonial. En achetant une part à prix décoté, sans percevoir de revenus pendant la durée du démembrement, il bénéficie d’un investissement à moindre coût dans une optique de transmission ou de préparation de la retraite.
Côté usufruitier, l’intérêt est immédiat et orienté rendement. En contrepartie d’un prix d’achat réduit car limité dans le temps, il perçoit l’intégralité des loyers pendant toute la durée du démembrement. Cette approche est privilégiée par les investisseurs qui souhaitent booster leurs revenus sur quelques années ou optimiser leur fiscalité lorsqu’ils sont faiblement imposés.
Des décotes particulièrement attractives sur certaines SCPI
Les sociétés de gestion proposent des décotes particulièrement intéressantes pour les investisseurs en nue-propriété, souvent supérieures à celles du marché. Par exemple, certaines SCPI offrent une décote de 34,5% sur un démembrement de 7 ans, alors que la décote moyenne des autres SCPI est aux alentours de 25%. Sur un investissement en nue-propriété de 7 ans avec une telle décote, le taux de rendement interne s’établit à 5,87%, contre 3,96% avec une décote standard de 25%.
Il est donc crucial de choisir la SCPI avec la clé de démembrement la plus favorable au nu-propriétaire pour maximiser la performance de l’investissement. Les deux parties bénéficient d’une décote sur le prix de part à l’achat, qui varie selon la durée du démembrement temporaire ou selon l’âge de l’usufruitier dans le cadre du démembrement viager.
Pendant toute la durée du démembrement, le nu-propriétaire n’a aucun impôt à payer et les parts de SCPI détenues en nue-propriété sont exonérées d’impôt sur la fortune immobilière. À la fin du démembrement, le nu-propriétaire récupère la pleine propriété des parts de SCPI sans frais ni formalités, et commence alors à percevoir les dividendes.
IFI et démembrement : qui doit déclarer et payer l’impôt
La fiscalité de l’impôt sur la fortune immobilière en cas de démembrement suit des règles spécifiques qui peuvent considérablement alléger la charge fiscale du patrimoine. La règle générale veut que l’usufruitier soit seul redevable de l’IFI et doive déclarer le bien pour sa valeur en pleine propriété.
La règle générale : l’usufruitier déclare 100% de la valeur
En règle générale, lorsqu’un bien immobilier est démembré, il revient à l’usufruitier détenteur de biens ou de droits immobiliers de déclarer ces biens pour leur valeur en pleine propriété. En contrepartie, le nu-propriétaire ne les déclare pas dans son patrimoine taxable à l’IFI. Cette règle s’applique notamment en cas de donation avec réserve d’usufruit ou de démembrement issu de la volonté du propriétaire initial.
Cette disposition présente un avantage considérable pour le nu-propriétaire, qui ne supporte aucune fiscalité pendant toute la durée du démembrement. Bien qu’il doive déclarer le bien en nue-propriété, sa valeur fiscale est neutre et ne contribue pas à l’IFI. Lorsque le démembrement prend fin et que le nu-propriétaire devient plein propriétaire, il sera alors soumis à l’IFI sur la valeur totale du bien si son patrimoine dépasse le seuil d’imposition.
Les exceptions : démembrement subi et partage de l’imposition
La règle générale connaît toutefois trois exceptions principales où l’imposition est partagée entre l’usufruitier et le nu-propriétaire selon le barème fiscal de l’article 669 du Code général des impôts. Ces situations concernent les démembrements dits « subis », c’est-à-dire ne résultant pas de la volonté du propriétaire initial.
Premièrement, si le conjoint survivant bénéficie d’un usufruit légal lié à l’application du Code civil et non en raison de dispositions testamentaires, l’imposition est partagée. Deuxièmement, lorsque la nue-propriété d’un bien immobilier a été vendue à un tiers autre qu’un héritier présomptif, donataire ou personne interposée, la valeur déclarée est répartie entre les patrimoines de l’usufruitier et du nu-propriétaire. Troisièmement, dans le cas où la nue-propriété a fait l’objet d’une donation au profit d’une entité publique, d’une association ou d’une fondation reconnue d’utilité publique, l’imposition est également partagée.
Pour un usufruit constitué pour une durée fixe, comme dans le cadre d’un investissement en nue-propriété temporaire, la valeur de l’usufruit est estimée à 23% de la valeur du bien en pleine propriété pour chaque période de 10 ans de durée de l’usufruit. Pendant toute la durée du démembrement temporaire, la valeur de la pleine propriété à l’IFI sera déclarée à 100% par l’usufruitier si celui-ci est le propriétaire initial ayant vendu la nue-propriété.
Les villes les plus attractives pour investir en nue-propriété en 2025
Le choix de la localisation joue un rôle décisif dans la performance d’un investissement en nue-propriété, car il influe sur la demande locative, la dynamique économique locale et le rendement futur du placement. Certaines villes françaises cumulent sécurité et potentiel de plus-value particulièrement intéressants pour ce type d’investissement.
Paris et la petite couronne représentent une valeur sûre intemporelle grâce à la demande locative structurellement élevée et à la rareté foncière. Lyon s’impose comme capitale économique et culturelle de premier plan, portée par un tissu d’entreprises dynamique et des infrastructures modernes. Bordeaux, Toulouse et Nantes affichent une croissance démographique soutenue et des projets d’aménagement urbain ambitieux qui dopent la valeur immobilière à long terme.
Marseille connaît une transformation profonde de son centre-ville et de ses quartiers périphériques, offrant des opportunités de revalorisation significatives. Lille bénéficie de sa position de carrefour européen et de son attractivité étudiante. Enfin, des villes comme Saint-Malo, Thonon-les-Bains ou Mougins combinent qualité de vie exceptionnelle et marché immobilier résilient, particulièrement adapté aux investissements patrimoniaux de long terme.
Questions fréquentes sur le démembrement de propriété
Quelle est la différence entre démembrement viager et démembrement temporaire ?
Le démembrement viager prend fin au décès de l’usufruitier, tandis que le démembrement temporaire a une durée fixe prédéterminée, généralement de 5 à 20 ans pour les investissements.
Peut-on vendre un bien en démembrement ?
Oui, mais l’accord de l’usufruitier et du nu-propriétaire est obligatoire pour céder la pleine propriété du bien. Chacun peut vendre séparément ses droits, mais cela est complexe et peu liquide.
Quelle décote peut-on espérer sur un investissement en nue-propriété ?
La décote varie généralement entre 30% et 40% de la valeur de la pleine propriété pour l’immobilier direct, et entre 22% et 35% pour les SCPI selon la durée du démembrement.
Le nu-propriétaire doit-il payer l’IFI ?
Non, dans la majorité des cas, seul l’usufruitier déclare le bien pour sa valeur en pleine propriété et paie l’IFI. Le nu-propriétaire est exonéré pendant toute la durée du démembrement.
Quels impôts le nu-propriétaire doit-il payer pendant le démembrement ?
Aucun. Le nu-propriétaire ne perçoit pas de revenus et ne paie donc ni impôt sur le revenu, ni prélèvements sociaux, ni taxe foncière, ni IFI pendant toute la durée du démembrement.
Le démembrement de propriété s’affirme comme un outil patrimonial incontournable conjuguant transmission familiale maîtrisée, optimisation fiscale puissante et constitution de capital à long terme. Que ce soit par la donation avec réserve d’usufruit pour transmettre sans se démunir, par l’investissement en nue-propriété pour acquérir avec une décote significative, ou par les SCPI en démembrement pour diversifier son patrimoine, les stratégies sont multiples et s’adaptent à chaque situation personnelle. Dans un contexte fiscal de plus en plus exigeant, le démembrement offre des leviers d’optimisation légaux et pérennes qui méritent d’être intégrés dans toute réflexion patrimoniale structurée.



